jeudi 31 octobre 2013

Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants, les retours d'Ellane

L’ennui naquit un jour de l’uniformité parait-il. Mon retour sur ce livre sera donc assez différent de ceux des 3 autres lectrices de cette session de CaroLire.

La première chose que j’ai envie de dire est que la magie du conte, l'envoûtement, n'ont pas fonctionné pour moi. Oui, la langue est belle, le procédé narratif original, avec des chapitres très courts, écrits au présent du subjonctif. Le livre condense les activités quotidiennes de Michel-Ange, les sentiments éprouvés pour le futur génie par un poète turc interprète, et enfin quelques passages correspondent aux pensées d'un ou une inconnue dont l'identité mystérieuse est bien vite devinée.

Au final, on découvre l'histoire d'un être frustre, bien loin du génie que j'avais imaginé, qui ne sait pas trop où il en est. Les chapitres sont trop courts pour m’immerger dans une autre culture, il y peu de réflexions sur l'art en tant que tel. J’ai toujours imaginé qu’artiste rimait avec sensations et sentiments, et « Michelagnollo », comme le surnomme son frère, parait un personnage qui semble bien loin de ces deux univers, coincé entre son envie de créer des œuvres immortelles, la radinerie de la papauté, son complexe vis à vis de Vinci, son refus de la sensualité et de l’amour.




Quant à l’écriture, ma foi… certains chapitres sont à mon avis complètement inutiles ou inintéressants (à mon avis hein, mais puisque je le donne…), comme ceux qui inventorient les possessions ou achats du grand homme :
« 19 mai : bougies, lampe, deux petites pièces ; brouet (herbes, épices, pain, huile) autant ; poissons en fritures, deux pigeons, un ducat et demi ; service, une petite pièce ; couverture de laine, un ducat. Eau fraiche et claire. »
Une page pour si peu…

Et puis il y a des passages certes poétiques, mais dont la métaphore m’échappe complètement :
« Je ne cherche pas l’amour. Je cherche la consolation. Le réconfort pour tous ces pays que nous perdons depuis le ventre de notre mère et que nous remplaçons par des histoires, comme des enfants avides, les yeux grands ouverts face au conteur. »
Au commencement était le verbe, parait-il, et une formulation poétique se doit d’être porteuse de sens, sinon c’est au mieux un procédé rhétorique gratuit, au pire, de la poudre aux yeux.

Enfin, je suppose qu’il y a une jolie métaphore concernant le pont, qui pourrait relier des cultures, des pays, des hommes, etc… mais c’est pareil, je suis passée à coté !


Bon, le petit singe est mort, c’était mon personnage préféré avec Mesihi, le poète, qui en avait fait cadeau à l’Italien. Il y a aussi du bon dans ce prix Goncourt des lycéens 2010, du bon sur lequel je ne m’étendrais pas, mes collègues en parlant mieux que moi.

Je reste, au final, assez déçue de cette lecture, et suis étonnée que des lycéens aient choisi ce livre pour un titre prestigieux.
Je lui accorde la note de **.

5 commentaires:

Ellane a dit…

La lecture de ce livre m'a évoqué deux titres que j'ai beaucoup apprécié :
- Le rocher de Tanios, d'Amin Maalouf, lu récemment, qui m'a embarqué dès les premières lignes dans un conte des mille et une nuit, au cours duquel la voix de Gabreyel, qui raconte l'histoire de Tanios, le garçon aux cheveux blancs, vaut largement celle d'une Shéhérazade.
- Narcisse et Goldmund, d'Hermann Hesse, un de mes livres préférés, qui évoque (entre autre) l'art en tant que besoin de l'âme, le besoin d'art en tant que "sentiment et sensation" que j'évoquais dans le billet ci-dessus

Nakiami a dit…

Merci pour ta contribution, qui apporte un point de vue bien différent du nôtre, mais tout aussi intéressant. En même temps, j'avais beaucoup de doutes concernant le fait que tu apprécies cette histoire autant que nous ^_^
Je ne connais pas du tout Le rocher de Tanios, ni Narcisse et Goldmund. Je me note de les lire à l'occasion !

Gaenaria a dit…

C'est le propre même de la poésie qu'on y soit sensible ou pas du tout : je trouve qu'il est rare d'y rencontrer de la demi-mesure, c'est tout l'un ou tout l'autre. Et c'est pas mal que les avis soient partagés, c'est tout l'intérêt d'un club de lecture. Si tout le monde est tout le temps d'accord, on s'ennuie, non ?
Alors merci pour ta critique qui relance peut-être le débat et nous fait réfléchir sur notre sensibilité face à ce roman que tout le monde s'accordera pour trouver singulier. ^_^

Ellane a dit…

Hi hi, Nakiami, tu commences à connaitre mes goûts... Ca m'intéresserait de savoir d'où sortaient tes doutes (mais on en parle demain aprèm ?).
Gaenaria, tu as absolument raison : on pourrait me taper sur la tête pendant des heures, je n'arriverais pas à trouver une liste de courses poétiques (tiens, dans le genre, il y a "Le sel de la vie" de F. Héritier qui engendrait des avis très partagés également, tu connais ?), au même titre que, je suppose, ces passages vous ont donné l'impression de faire partie d'une construction à tendance poétique, mélangeant allègrement les genres et des écritures très contrastées pour faire une jolie émulsion.
Je pense que j'ai lu ce livre au mauvais moment, un temps où je suis au final plutôt indisponible pour ce genre de lecture, entre l'impression de courir partout, l'automne qui s'installe et les vacances qui tardent. Pour moi, un livre, c'est une rencontre dans laquelle le moment, la dispo du lecteur sont importants. Là, je suis passée à coté, tant pis, j'ai plein d'autres belles rencontres qui m'attendent :-)

Gaenaria a dit…

Je suis complètement d'accord avec toi, chaque lecture est une rencontre et il y a des moments propices ou pas, selon notre état d'esprit. C'est aussi pour cela que pas mal de livres "dorment" dans ma bibliothèque, attendant leur moment…

Enregistrer un commentaire