Ce roman est un roman de fantasy à l'histoire surprenante :
Onyesonwu raconte son histoire. Elle est une ewu, une enfant de mère Okeke et de père Nuru. Elle est le fruit d'un viol, survenu lors de la destruction d'un village, comme cela arrive souvent dans l'Ouest entre Okékés et Nurus. Sa mère a survécu à l'agression et à choisi de garder son enfant, en priant Ani, la grande Déesse que cet enfant soit une fille et qu'elle devienne sorcière, pour combattre. Ce qui sera le cas. Car, en plus d'être ewu et donc rejetée par les autres pour cette distinction, elle sera l'une des plus grandes sorcières jamais connues, emplies de colère et de violence qu'elle apprendra à contenir pour mieux se battre contre les préjugés, les traditions et la guerre ancestrale qui oppose Okeke et Nuru. Ces derniers considérent les premiers comme des esclaves, traîtres de la grande déesse qui les aurait punit en créant les Nurus, leurs éternels ennemis selon le Grand Livre. Onyesonwu signifie "Qui a peur de la mort ?".
C'est un peu compliqué de proposer un aperçu de cette histoire. Et ce roman est riche de bien des façons.
Tout d'abord on ne se sent pas dans un récit SF, on se croit au beau milieu de l'Afrique, à une époque difficile à déterminer mais qui oppose Noirs et Blancs, comme cela a toujours été. Il y a une dimension fantastique dans le récit qui est présente tout au long de l'histoire et qui fait davantage penser à des croyances et traditions africaines que l'auteur aurait mis en scène. Comme un conte racontant l'origine des choses. Cette dimension habite l'ensemble du roman, de la première à la dernière ligne. L'héroïne est tiraillée entre deux ethnies, rejetée par les deux, acceptée par aucune. Elle n'est pas plus admise au sein des sorciers, et il lui faudra passer une épreuve douloureuse pour obtenir des amies par la force des traditions. Perpétuellement en colère, contre son père biologique pour ce qu'il a fait à sa mère, contre les Okékés qui ne se rebellent pas assez et acceptent les monstruosités imposées par les Nurus, contre les Nurus pour ce qu'ils font aux Okékés, contre Ani pour n'avoir jamais été bonne avec elle ni avec sa mère, contre Aro le sorcier pour refuser de l'accepter comme apprentie, contre la terre entière. Mais elle croisera la route de nombreuses bonnes âmes qui l'aideront dans sa quête et enrichiront sa vision des choses, la nuançant et la modifiant comme cela survient lorsqu'on grandit et vieillit.
J'ai pris grand plaisir à lire ce roman. Il est extrêmement dépaysant et nous fait découvrir une culture souvent inconnue ou mal connue. L'auteur est originaire du Nigeria et a puisé dans cette culture pour écrire cette histoire atypique teintée d'un fantastique original et novateur. En tout cas pour moi car je n'avais jamais lu d'histoires pareilles auparavant. Et même si l'histoire semble se dérouler à une autre époque que la nôtre, elle est très proche de nous et de notre actualité, récente ou passée (ou même future). En cela, elle est déroutante. Dure et cruelle, elle met en scène beaucoup de violence mais aucunement gratuite ni injustifiée, ni même disproportionnée. On s'attache très rapidement à Onye emplie de colère, on la comprend et éprouvons beaucoup d'empathie pour elle. Et même si son destin est tout tracé, on espère jusqu'à la dernière phrase une autre fin, qui pourtant ne peut être différente.
La fin, justement, m'a un peu déçue car je ne pense pas avoir bien saisie ce qui survient, ni les sous-entendus qu'elle insinue. Peut-être mériterait-elle une deuxième lecture plus concentrée et réfléchie mais elle ne remet pas pour autant en question le plaisir de cette lecture.
Je recommande chaudement à tout le monde la lecture de ce roman si particulier, si original et pourtant si proche de nous. On a bien du mal à quitter Onyesonwu, son pouvoir, sa force et ses amis. Un vrai coup de cœur !